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Une inégale répartition des jeunes sur le territoire, renforcée par les dynamiques migratoires

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Une accentuation de la concentration spatiale des jeunes dans les espaces les plus urbanisés au cours des 40 dernières années

Une inégale répartition des jeunes sur le territoire, renforcée par les dynamiques migratoires En 2018, près de 11,7 millions de personnes âgées de 15 à 29 ans1 vivent en France soit 17,5 % de la population totale2. Toutefois, leur nombre et leur part n’ont cessé de diminuer depuis 1982, date à laquelle ils représentaient 23,6 % de la population. En effet, alors qu’entre 1968 et 1982 la part des jeunes avait augmenté du fait du baby-boom, celle-ci commence à décroître dans les années 1980 à la suite d’une forte diminution de la fécondité3 en France, entraînant une diminution du nombre de naissances dans les années 19704. Ce constat s’explique en partie par une meilleure maîtrise de la fécondité, rendue possible par une plus large diffusion des méthodes de contraception et la légalisation des interruptions volontaires de grossesse (IVG)5, une baisse du nombre d’enfants désirés ou encore la démocratisation des études chez les femmes.
De plus, les jeunes sont de plus en plus concentrés spatialement. En 1982, 46 des communes (COG 2021) comptant le plus grand nombre de jeunes concentraient 20 % des jeunes adultes (15 à 29 ans). Aujourd’hui, cette concentration s’est accentuée, avec seulement 30 communes concernées. De la même façon, on constate qu’en 1982, 29 361 communes affichaient une proportion égale ou supérieure à 15 % de jeunes adultes. Près de quarante années plus tard, elles ne sont plus que 9 844. C’est au tournant des années 1990 que l’écart commence à se creuser, principalement entre des territoires situés sur la diagonale centrale (reliant les Ardennes au Lot), dans lesquels la part de jeunes baisse fortement et, certaines régions où elle se maintient élevée. La part de jeunes est particulièrement forte en Guyane et à La Réunion6, et dans les régions Hauts-de-France (18,5 %), Pays de la Loire (17,0 %) et Île-de-France (20,0 %).
Cette concentration s’explique par une natalité particulièrement élevée dans ces régions7, où l’on retrouve également une forte proportion de familles nombreuses8 : en 2018, près d’une famille sur cinq avec enfant(s) a trois enfants ou plus dans les Hauts-de-France (18,3 %), l’Île-de-France (18,3 %) et les Pays de la Loire (17,9 %).
La part de jeunes est également particulièrement élevée sur le pourtour méditerranéen, le long de la vallée du Rhône, mais aussi en Alsace et en Savoie. Toutefois, des mutations sont en cours et c’est dans les Drom que la part de jeunes a le plus diminué sur la période 2008-2018, en particulier en Martinique (- 2,7 points de %) et à La Réunion (- 2,5 points de %), à la suite d’une chute importante de leur natalité mais aussi de nombreux départs9.
La concentration régionale se traduit également par une concentration au sein des espaces urbains. Ainsi, plus la densité augmente10, plus la part de jeunes est importante. Les espaces denses comptent 21,7 % de jeunes, les espaces de densité intermédiaire 16,3 %, les espaces peu denses 13,8 %, et les espaces très peu denses 12,2 %. Ce phénomène est alimenté par des migrations importantes de jeunes vers des espaces plus denses.

Mobilités résidentielles des jeunes : une attractivité des espaces les plus denses ?

En 2018, 12 % de la population résidant en France ont changé de logement et de commune au cours de l’année précédente11. Au regard du reste de la population, les jeunes apparaissent comme particulièrement mobiles12 : 18,9 % des 20 à 24 ans ont changé de commune de résidence au cours de l’année. On constate également dans cette catégorie d’âge une plus forte propension aux mobilités de longue distance. Les migrations ayant pour origine un autre département de la même région passent de 2,3 % pour les 15-19 ans à 3,8 % pour les 20-24 ans. Il en va de même pour les migrations extra régionales, qui sont multipliées par 2,5 au tournant de la vingtaine.
Ces migrations profitent surtout aux départements denses13 et abritant de grands pôles universitaires, particulièrement attractifs pour des populations jeunes souhaitant poursuivre des études supérieures ou accéder à un premier emploi. Ainsi, quelques 49 000 jeunes de 15 à 29 ans ont déclaré avoir quitté Paris et 75 200 s’y être établis au cours de l’année précédant le recensement 2018, soit un solde migratoire de +26 200 individus. De même, les départements du Rhône et de la Haute-Garonne ont attiré un grand nombre de jeunes, tout particulièrement à Toulouse et à Lyon qui ont gagné au cours de leurs échanges migratoires respectivement environ 9 830 et 9 100 jeunes au cours de l’année précédant le recensement 2018. Ces villes, grands pôles universitaires, attirent particulièrement les étudiants : Toulouse compte près de 110 000 étudiants dans le supérieur, Lyon plus de 105 000 et Paris plus de 365 00014.

À l’inverse, les Drom ont connu de nombreux départs de jeunes, en particulier La Réunion (solde de - 1 470) et la Martinique (- 1 130). Ce phénomène s’explique par une plus faible diversité de l’offre de formation15 au regard, par exemple, de la métropole, entraînant des migrations liées à la fois à la poursuite d’études16, mais aussi à la recherche d’emploi17. En métropole, les départements les moins denses sont particulièrement peu attractifs pour les jeunes adultes.
Néanmoins, certains territoires de densité plus Des trajectoires migratoires entre espaces ruraux et urbains qui varient selon l’âge importante font également davantage face à des départs de jeunes. C’est notamment le cas dans le Pas-de-Calais (- 2 720), la Manche (- 1 190) ou encore l’Aisne (- 1 180). Une situation économiquement moins favorable qu’ailleurs18, ainsi que l’absence de grands pôles universitaires (le département de la Manche compte à peine plus de 4 000 étudiants dans le supérieur) constituent des éléments d’explication à ces nombreux départs.

Les migrations vers les espaces denses sont plus ou moins élevées selon la tranche d’âge. Ainsi, à l’âge de la majorité, le solde migratoire des espaces denses augmente fortement : alors qu’il est négatif pour les 10-14 ans (- 8 430), il devient positif pour les 15-19 ans (+ 78 400). En revanche, il diminue pour les 20-24 ans, puis devient à nouveau négatif après 25 ans. À l’inverse, dans les espaces peu denses, les échanges migratoires avec les autres types d’espaces sont quasi nuls pour les 10-14 ans, fortement déficitaires entre 15 et 24 ans, et excédentaires à partir de 25 ans.
Globalement, les migrations inter-espaces des jeunes se caractérisent, au moment de l’entrée dans la vie adulte par une majorité de départs vers les espaces densément peuplés. Il s’agit là d’une période marquant, pour nombre de jeunes, l’entrée en études supérieures ou la recherche d’un premier emploi. Une fois cette période passée, s’observent alors des phénomènes de retours vers les autres types d’espaces, notamment les espaces les moins densément peuplés.

Du point de vue des échanges entre types d’espaces, les espaces les plus denses sont particulièrement attractifs pour les jeunes adultes de moins de 25 ans, particulièrement pour ceux originaires des espaces peu denses et de densité intermédiaire (respectivement 16 % et 14 % du total des mouvements migratoires des 15-19 ans). L’apport migratoire net le plus important s’observe d’ailleurs chez les 15-19 ans : alors que près de 11 800 jeunes ont quitté un territoire de forte densité pour s’établir dans un territoire peu dense, ils sont en revanche plus de 50 600 à opérer le mouvement contraire, soit un solde excédentaire de + 38 900 jeunes.
Les migrations des 15-24 ans n’ont cependant pas uniquement pour destination les espaces très denses et traduisent un mouvement plus général vers des espaces plus densément peuplés que ceux d’origine. Ainsi, les espaces intermédiaires gagnent des jeunes provenant d’espaces peu denses : 9,2 % des flux observés chez les 15-19 ans ont lieu des espaces peu denses vers les espaces de densité intermédiaire (pour un solde de + 12 800 jeunes), et 7,1 % chez les 20-24 ans (+ 3 400 jeunes).

Si les territoires densément peuplés continuent d’attirer une proportion non négligeable de jeunes âgés de 25 à 29 ans, on voit aussi se dessiner à ces âges une inclination importante aux départs vers les espaces de plus faible densité.
Ainsi, au gré de leurs échanges avec les espaces de forte densité, les espaces de densité intermédiaires ont gagné + 13 900 jeunes ; ce solde atteint + 15 700 pour les espaces peu denses au détriment des territoires de densité intermédiaire.
Les mêmes phénomènes s’observent pour les 30-34 ans qui sont, quant à eux, particulièrement nombreux à quitter un territoire de forte densité pour s’établir dans un espace peu dense (31 300) ; ils sont deux fois moins nombreux à avoir migré dans le sens inverse.

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Des migrations résidentielles socialement différenciées chez les jeunes ruraux

Si l’accent a jusqu’ici été davantage mis sur les migrations de jeunes originaires d’espaces ruraux (peu denses et très peu denses) en direction d’espaces plus denses, celles-ci ne concernent qu’une partie d’entre eux. Ainsi, pour les jeunes ruraux, le choix de rester ou de partir s’opère selon différents critères : origines sociales, ambition professionnelle, ancienneté des racines locales, formation, type d’espace rural (selon la proximité aux grandes agglomérations)19 et genre20.
Ce sont les jeunes ruraux issus des classes moyennes et supérieures qui ont le plus tendance à migrer vers les villes ; la mobilité résidentielle constituant pour eux une mobilité sociale leur permettant une ascension ou un maintien à des positions déjà élevées21. Au contraire, pour les jeunes issus de classes populaires bien intégrées22, rester permet de bénéficier de ce que certains sociologues ont appelé le « capital d’autochtonie », c’est-à-dire « l’ensemble des ressources que procure l’appartenance à des réseaux de relation socialisés »23. Autrement dit, ces jeunes tirent par exemple bénéfice d’un réseau local qui leur permet de s’intégrer plus facilement dans le marché du travail.
Les classes populaires les plus marginalisées ont en revanche moins accès à ce capital apporté par le réseau local. Pour elles, l’appartenance au village peut constituer davantage un frein qu’un atout. Ainsi, certains « jeunes adultes précaires […] restent vivre ici sans pour autant bénéficier de ressources locales leur permettant d’améliorer leur situation »24.

1. Cet article définit les jeunes comme la population des 15-29 ans, correspondant à une période de fin des études et d’entrée dans la vie active.
2. Les chiffres exposés ici et dans la suite de l’article sont issus des données des différents millésimes de recensement de la population de l’Insee, de 1968 à 2018.
3. L’indicateur conjoncturel de fécondité est passé de plus de 2,6 enfants par femme sur toute la période 1946-1964 à environ 1,8 enfant par femme en 1976, puis se stabilise (Daguet Fabienne. La fécondité en France au cours du XXe siècle. In : Insee Première. Décembre 2002, n° 873, 4 p.), oscillant entre 1,8 et 2,0 enfants par femme au cours des trente dernières années.
4. Athari Elika, Papon Sylvain, Robert-Bobée Isabelle. Quarante ans d’évolution de la démographie française : le vieillissement s’accélère avec l’avancée en âge des baby-boomers. In : Insee Références. Novembre 2019, 17 p.
5. Leridon Henri. La baisse de la fécondité depuis 1965 : moins d’enfants désirés et moins de grossesses non désirées. In : Population. 1985, pp. 507-525.
6. La Guyane est la région qui compte la plus forte part de jeunes de 15-29 ans en 2018 avec 23,4 % et 19,7 % à La Réunion. En Guadeloupe et en Martinique, ces proportions sont inférieures à la moyenne nationale avec respectivement 16,4 % et 15,7 %.
7. 27,1 naissances pour 1 000 habitants en Guyane ou encore 14,8 naissances pour 1 000 habitants en Île-de-France entre 2013 et 2018, pour une moyenne nationale de 11,9 naissances pour 1 000 habitants.
8. Observatoire des territoires. Géographie des ménages. In : Fiche d’analyse de l’Observatoire des territoires. CGET, 2019, 24 p.
9. Cf. p. 92-93.
10. Source : Insee, Grille communale de densité 2021 (cf. annexe p. 120).

11. Les données de migrations mentionnées pour le reste de cette partie sont issues du fichier détails Migrations résidentielles : localisation à la commune de résidence et à la commune de résidence antérieure (Insee, RP 2018). Les données migratoires issues du recensement ont plusieurs limites et ne permettent pas de mesurer la totalité des migrations au cours de l’année.
En se limitant à l’information relative aux migrants résidant sur le territoire l’année N et à leur statut migratoire (lieu de résidence antérieur) à l’année N-1, trois catégories de personnes ayant migré ne sont pas comptabilisées : celles qui ont quitté le territoire pour l’étranger, celles qui sont décédées au cours de la période (entre N-1 et N), celles qui ont migré plus d’une fois sur le territoire (entre N-1 et N) tout en étant finalement recensées l’année N sur le même territoire.
12. Observatoire des territoires. Les mobilités résidentielles en France. Tendances et impacts territoriaux. In : Rapport de l’Observatoire des territoires. CGET, 2018, 121 p.
13. Source : Insee, Grille communale de densité 2021 (cf. annexe p. 120).
14. Source : ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, 2018.
15. Fabre Jérôme, Pawlowski Emilie. Aller étudier ailleurs après le baccalauréat : entre effets de la géographie et de l’offre de formation. In : Insee Première. Janvier 2019, no 1727, 4 p.
16. « Au recensement de 2012, 46 % des natifs de la Guadeloupe et de la Martinique âgés de 18 à 34 ans vivaient en Europe » (Atger Stéphanie, Bareigts Ericka. Rapport d’information sur le Grand âge en Outre-Mer. Février 2020, no 2662, 73 p.).
17. Le chômage des jeunes est d’ailleurs particulièrement élevé dans les Drom, avec par exemple 46,9 % des jeunes actifs de 15 à 24 au chômage à la Martinique et 53,2 % à La Réunion, contre 26,5 % en moyenne en métropole (Insee, RP 2018).
18. Le taux de chômage des jeunes de 15-24 ans atteint 35,9 % dans le Pas-de-Calais et 37,1 % dans l’Aisne, contre 27,2 % pour la moyenne nationale (Insee, RP 2018).

19. Galland Olivier, Lambert Yves. Les jeunes ruraux. Paris, L’Harmattan, 1993, 253 p. (Alternatives rurales).
20. Observatoire des territoires. La dimension territoriale de l’accès à l’emploi des femmes. In : Fiche d’analyse de l’Observatoire des territoires. ANCT, 2021, 36 p.
21. Devaux Julian. L’adolescence à l’épreuve de la différenciation sociale. Une analyse de l’évolution des manières d’habiter de jeunes ruraux avec l’âge. In : Sociologie. 2015, 2015/4, vol.6, pp. 339-358.
22. Intégrées et marginalisées selon les catégories established et outsiders forgées par Norbert Elias et John L. Scotson en 1997. Elles font en partie référence à l’ancienneté des familles dans l’espace local ; les intégrées, groupe majoritaire, ayant une présence plus ancienne et stigmatisant les marginalisées, pourtant issus des mêmes conditions sociales.
23. Renahy Nicolas. Les gars du coin. Enquête sur une jeunesse rurale. Paris, La Découverte, 2010, 284 p.
24. Page 105 ; Coquard Benoît. Ceux qui restent. Faire sa vie dans les campagnes en déclin. Paris, La découverte, 2019, 211 p.

  • Athari Elika, Papon Sylvain, Robert-Bobée Isabelle. Quarante ans d’évolution de la démographie française : le vieillissement s’accélère avec l’avancée en âge des baby-boomers. In : Insee Références. Novembre 2019, 17 p.
  • Leridon Henri. La baisse de la fécondité depuis 1965 : moins d’enfants désirés et moins de grossesses non désirées. In : Population. 1985, pp. 507-525.
  • Observatoire des territoires. Géographie des ménages. In : Fiche d’analyse de l’Observatoire des territoires. CGET, 2019, 24 p.
  • Observatoire des territoires. Les mobilités résidentielles en France. Tendances et impacts territoriaux. In : Rapport de l’Observatoire des territoires. CGET, 2018, 121 p.
  • Fabre Jérôme, Pawlowski Emilie. Aller étudier ailleurs après le baccalauréat : entre effets de la géographie et de l’offre de formation. In : Insee Première. Janvier 2019, no 1727, 4 p.
  • Atger Stéphanie, Bareigts Ericka. Rapport d’information sur le Grand âge en Outre-Mer. Février 2020, no 2662, 73 p.
  • Galland Olivier, Lambert Yves. Les jeunes ruraux. Paris, L’Harmattan, 1993, 253 p. (Alternatives rurales).
  • Observatoire des territoires. La dimension territoriale de l’accès à l’emploi des femmes. In : Fiche d’analyse de l’Observatoire des territoires. ANCT, 2021, 36 p.
  • Devaux Julian. L’adolescence à l’épreuve de la différenciation sociale. Une analyse de l’évolution des manières d’habiter de jeunes ruraux avec l’âge. In : Sociologie. 2015, 2015/4, vol.6, pp. 339-358.
  • Renahy Nicolas. Les gars du coin. Enquête sur une jeunesse rurale. Paris, La Découverte, 2010, 284 p.
  • Coquard Benoît. Ceux qui restent. Faire sa vie dans les campagnes en déclin. Paris, La découverte, 2019, 211 p.

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