Les ménages peuvent éprouver des difficultés d’accès au logement dans l’accession au parc locatif privé, au parc locatif social et à la propriété. Elles varient considérablement d’un espace à l’autre : ces disparités peuvent être appréhendées à travers la notion de « tension du marché » qui ne sera analysée ici que sous le prisme de l’accès à la propriété et de l’accès au parc de logement social, pour lesquels des données consolidées existent.
L’accès à la propriété est plus difficile dans les grandes métropoles, sur les littoraux et dans les espaces frontaliers
Les prix de l’immobilier sont une des manifestations de la tension sur le marché immobilier. En France, le prix médian25 de l’immobilier approche les 2 000 €/m², avec toutefois de fortes différences territoriales. Quatre types de territoires se distinguent ainsi par des prix nettement supérieurs à la moyenne nationale. Ils correspondent globalement aux espaces où l’accès à la propriété est particulièrement long, bien que cette relation ne soit pas systématique. Les difficultés d’achat dépendent en effet des prix des biens mais aussi des revenus dont disposent les populations locales.
- Les grandes métropoles, et en particulier le Grand Paris
Les grandes métropoles figurent parmi les territoires les plus chers du pays, et les difficultés d’accès y sont plus prononcées qu’ailleurs. Elles constituent toutefois un ensemble très hétérogène. Le prix médian de l’immobilier dans la Métropole du Grand Paris (6 000 €/m²) est ainsi deux fois supérieur à celui de la Métropole de Lyon (2 900 €/m²)26. Ces niveaux de prix font ressortir le cas hors norme de la région capitale. En dépit d’un revenu médian plus élevé que la médiane nationale27, ses habitants éprouvent des difficultés très supérieures à celles rencontrées dans la majorité des territoires – et même des autres métropoles – pour y devenir propriétaires. Ainsi, dans la Métropole du Grand Paris, il faut environ 30 ans à un ménage de 3 personnes, avec un revenu proche de la médiane locale, pour acquérir un T3 de 65 m². Dans la Métropole Nice Côte d’Azur, qui affiche pourtant les prix de l’immobilier parmi les plus élevés du pays, cette durée est de 19 ans. Les autres métropoles dynamiques présentent quant à elles des situations moins problématiques. L’accès à la propriété y est plus aisé (15 ans à Lyon et Bordeaux, 13 ans à Nantes, 12 ans à Toulouse et 11 ans à Rennes). Malgré une très forte croissance démographique, le marché de l’immobilier s’y régule notamment grâce à une activité de construction importante.
- La façade méditerranéenne
Des situations de forte tension dans l’accès à la propriété sont observées le long du littoral méditerranéen, plus particulièrement sur la Côte d’Azur : dans les intercommunalités situées entre Toulon et Nice, il faut plus de 20 ans à un ménage type de 3 personnes pour devenir propriétaire d’un T3 de 65 m².
- Les intercommunalités les plus touristiques de la façade ouest, de la Normandie au Pays basque en passant par la Bretagne, ainsi que certaines intercommunalités du massif des Alpes.
MÉTHODOLOGIE
Estimer les difficultés d’accès à la propriété
Le nombre théorique d’années nécessaires à un ménage de trois personnes (2 adultes et 1 enfant de moins de 14 ans, soit au total 1,8 unité de consommation) pour pouvoir acquérir un logement de type T3 de 65 m² est calculé en divisant le prix de vente estimé d’un T3 (hors frais d’agence et de notaire)28 par le tiers du revenu médian des ménages29 (taux d’effort fixé à 33 %), dans chaque intercommunalité pour laquelle des données sont disponibles. Ce calcul ne prend pas en compte l’apport éventuel du ménage, ni l’influence du taux d’emprunt. Cette analyse correspond à une simulation théorique d’accès à la propriété et n’ambitionne pas d’être représentative de toutes les situations rencontrées sur un territoire. Elle ne tient en effet pas compte des disparités de revenus et des écarts de prix de vente qui peuvent être observés au sein d’un même espace. Elle offre en revanche l’avantage de pouvoir comparer des territoires sur la base de critères d’observation similaires.
- Les espaces frontaliers situés à proximité de la Suisse et du Luxembourg
Ces espaces constituent un cas particulier : les prix de l’immobilier élevés se combinent avec la présence de populations dont les revenus sont plutôt élevés30 en raison d’un accès à l’emploi transfrontalier, plus rémunérateur. Aussi, la capacité des ménages habitant ces espaces à pouvoir y devenir propriétaires semble moins contrainte qu’ailleurs. Cette observation doit cependant être nuancée. Au sein de ces espaces frontaliers, les ménages qui ne perçoivent pas de revenus luxembourgeois ou suisses rencontrent de plus en plus de difficultés à se loger, les prix de l’immobilier étant gonflés par la solvabilité des travailleurs transfrontaliers et déconnectés des capacités de financement d’une personne exerçant son activité en France.
Dans le cas des marchés immobiliers les plus tendus, où l’accès à la propriété est impossible pour des ménages aux ressources limitées, le parc locatif social constitue souvent la seule offre compatible avec leurs revenus. Toutefois, dans plusieurs des espaces mentionnés ci-dessus, l’accès au parc locatif social est également très contraint.
Un accès au parc locatif social particulièrement restreint en Île-de-France, sur le littoral méditerranéen et dans les Dom
Le parc locatif social occupe une place cruciale dans le fonctionnement du marché du logement, et dans la capacité à pouvoir proposer aux populations – notamment les plus fragiles – une offre adaptée à chaque étape de leur parcours résidentiel. Malgré des efforts de production conséquents depuis les années 2000, les besoins en logements sociaux restent très importants et insuffisamment couverts dans certains territoires.
Trois types d’espaces sont concernés par des difficultés importantes d’accès au parc locatif social :
- L’Île-de-France et les grandes agglomérations du littoral méditerranéen
Globalement, les demandes de logements sociaux sont très concentrées dans les grandes agglomérations : les quatre plus grandes métropoles (Paris, Lyon, Aix-Marseille et Lille) rassemblent près de 33 % de ces demandes, alors qu’elles accueillent tout juste 18 % des ménages. Les difficultés d’accès au parc social ne sont cependant pas égales dans toutes ces agglomérations.
Celles-ci se concentrent essentiellement dans la région capitale et dans les agglomérations du littoral méditerranéen. Dans le premier cas, elles sont liées à une demande très importante qu’un parc social pourtant déjà bien développé (supérieur à 25 % des résidences principales) ne parvient pas à satisfaire. Dans le second cas, la tension est liée à un parc locatif social trop peu développé (entre 10 et 15 % des résidences principales) pour répondre aux besoins.
Dans les intercommunalités littorales des régions Provence-Alpes-Côte-D’azur et Occitanie, le non-respect des obligations de construction de logements sociaux imposées par loi SRU a contribué à maintenir ces difficultés.
Les autres grandes agglomérations parviennent dans l’ensemble à maintenir un rapport demandes/ attributions proche de la moyenne nationale, grâce à une offre locative sociale assez développée (entre 15 % et 20 % des résidences principales) qui permet de répondre à des demandes nombreuses.
- Les espaces frontaliers et littoraux prisés où l’immobilier est cher
Les espaces frontaliers autour de Longwy, Thionville, Pontarlier et Annemasse, ainsi que les littoraux prisés de la Côte fleurie, du bassin d’Arcachon et de la Côte-d’Azur, connaissent aussi une situation de forte tension dans l’accès au parc locatif social. Dans ces espaces, le parc social, dont les loyers sont maîtrisés, constitue l’une des réponses les plus adaptées aux besoins des ménages locaux les plus fragiles. Toutefois, cette offre de logements y est souvent très peu développée (généralement moins de 5 % des résidences principales). Ainsi, dans ces territoires, la demande est souvent numériquement faible mais l’offre si restreinte qu’elle ne parvient pas à répondre aux besoins des ménages locaux.
- Les territoires les plus pauvres, en particulier les Dom
À l’inverse, la concentration de populations démunies peut également rendre difficile l’accès au parc social, du fait de l’importance des demandes. C’est le cas de l’outre-mer, qui compte parmi les territoires les plus pauvres de France, et où les dynamiques de croissance démographique sont parfois importantes (Réunion, Guyane)36. Dans ces départements, l’offre locative sociale, pourtant supérieure à la moyenne nationale (plus de 15 % des résidences principales), ne parvient pas à répondre à une demande élevée. L’attente avant l’attribution d’un logement social y est donc souvent très longue (supérieure à 10 ans dans quatre intercommunalités de Guadeloupe, de Martinique et de Guyane). En France métropolitaine, les zones caractérisées par une pauvreté diffuse (bassin minier, sillon lorrain, agglomérations de Laon, Dieppe, Soissons ou encore Montargis), sont confrontées à une tension moindre. Les demandes y sont en effet très nombreuses mais l’offre locative sociale suffisamment développée.
Il existe donc de fortes disparités dans la capacité des ménages à accéder au parc social, selon les espaces où ils déposent leur demande. Ces difficultés, très localisées, redoublent globalement les tensions observées sur le marché immobilier classique (grandes agglomérations, façades littorales, espaces frontaliers). Le parc social ne joue pas ainsi pleinement son rôle d’amortisseur des difficultés à se loger, trop concentré à certains endroits et pas assez développé à d’autres.
25. Source : données notaires, transactions enregistrées entre janvier et mars 2017.
26. À une échelle plus fine, les écarts de prix sont encore plus importants : de 1 à 11 au sein du Grand Paris (1 100 €/m² à Clichy-sous-Bois contre 12 200 € dans le 6e arrondissement parisien), et de 1 à 2,4 dans la métropole de Lyon (de 1 900 €/m² à Vénissieux à 4 500 € dans le 2e arrondissement lyonnais).
27. Voir la fiche d’analyse « Les inégalités de revenus » de l’Observatoire des territoires (2017).
28. Source : données notaires, prix médians des transactions enregistrées entre janvier et mars 2017 sur les biens anciens (existant depuis plus de 5 ans).
29. Source : Insee, Filosofi 2013.
30. Voir la fiche d’analyse « Les inégalités de revenus » de l’Observatoire des territoires (2017).
31. Insee, RP 2013.
32. Source USH. En 2015, 64 % des ménages français sont sous les plafonds de ressources fixés pour pouvoir prétendre à un logement social de type PLUS (prêt locatif à usage social) ; parmi eux sont éligibles les ménages non propriétaires, ainsi qu’une petite fraction des propriétaires en difficulté, soit au total 34 % des ménages, dont presque la moitié sont déjà en HLM.
33. SNE, 2015, demandes en cours - mutations et hors mutations.
34. Il s’agit là d’une estimation théorique : l’analyse du fichier national des demandeurs montre en effet une volatilité des demandes, qui réduirait sensiblement l’estimation globale, et oblige à développer des analyses locales, pour apporter des réponses adaptées. Voir Driant J.-C., Navarre F., Pistre P., (2016)
35. SNE, 2015, demandes en cours et demandes satisfaites - mutations et hors mutations.
36. Voir la fiche d’analyse de l’Observatoire des territoires « Les dynamiques de population » (2017).