Les disparités territoriales de l’emploi et du chômage sont très structurelles : les trajectoires actuelles des territoires prolongent leurs tendances passées, qui ont été peu modifiées par la dernière crise économique. L’histoire des territoires compte pour beaucoup dans leur situation actuelle : pour comprendre les enjeux qui se posent à chaque territoire et établir un diagnostic précis, il est nécessaire de replacer celui-ci dans une temporalité longue.
Ces disparités sont organisées selon deux logiques superposées et complémentaires :
- des différenciations interrégionales fortes, entre les espaces de l’Ouest et du Sud en croissance économique et très attractifs, et ceux d’un grand quart Nord-Est et du Centre, plus en difficulté, auxquels s’ajoutent les Dom : cette géographie contrastée est très stable ;
- un gradient centre-périphérie dans les grandes aires urbaines, entre des pôles économiques qui concentrent une large part de la croissance de l’emploi, des couronnes qui accueillent la plus forte croissance démographique et où les temps d’accès aux emplois s’allongent, et des espaces peu denses de plus en plus dépendants des pôles. Ces contrastes ont tendance à se renforcer, du fait d’une influence croissante des principaux pôles économiques sur le reste du territoire.
Il importe donc d’associer plusieurs grilles de lecture du territoire (régions, zones d’emploi, zonage en aires urbaines, etc.), et de varier les échelles d’observation pour être en mesure de percevoir les dynamiques à l’œuvre et les disparités. L’étude de l’emploi à une échelle régionale ou au sein de l’aire d’influence des pôles urbains, à la maille des zones d’emploi ou des communes, ou encore au niveau des quartiers d’une ville, donne à voir des réalités très différentes, dont il faut tenir compte pour agir pertinemment.
Au sein de ces multiples grilles d’analyse des phénomènes spatiaux, combiner différents indicateurs pour étudier l’emploi est indispensable afin de comprendre ce qui se joue dans les territoires. Une analyse du taux de chômage sans observer l’évolution de l’emploi et de la population ou encore une étude de la croissance de l’emploi sans regard pour la qualité des postes créés ne parviendraient pas à cerner avec justesse les dynamiques de l’espace en question.
En effet, chaque situation locale est très spécifique. À côté d’une politique nationale définissant des objectifs pour l’emploi, la diversité des situations des zones d’emploi et des marchés du travail locaux invite à prendre des mesures localisées et différenciées. L’approche territoriale des questions d’emploi est nécessaire pour concevoir des solutions adaptées au contexte local. Elle constitue de surcroît un véritable levier pour décloisonner des modes d’action sectoriels (développement économique, formation, logement, etc.) qui empêchent de prendre en charge simultanément l’ensemble des dimensions de la question de l’emploi. La perspective territoriale permet d’aller au-delà des ajustements classiques que représente la mobilité professionnelle et géographique, en y ajoutant un autre ensemble d’ajustements prenant en compte la vie de l’individu d’une manière plus globale (transport, habitat, cadre de vie, travail du conjoint, scolarisation, accès aux services, etc.). Elle invite à considérer le territoire comme un espace social au sein duquel les acteurs sont capables de définir ensemble une vision et un projet communs.
L’enjeu de coordination des nombreux acteurs de l’emploi prend donc sens au sein de chaque territoire, dans permette d’ouvrir la voie à une intervention coordonnée, au service de priorités (qui peuvent être des publics, des secteurs d’activité, ou encore des types d’espaces) identifiées à l’échelle locale. Pour y contribuer, ce rapport propose des outils théoriques et méthodologiques propices à guider les acteurs de l’emploi.