Outre la périurbanisation des ménages, visible à l’échelle des aires urbaines ou de zones d’emploi voisines, l’observation de l’ensemble des migrations résidentielles d’actifs entre zones d’emploi fait apparaître des contrastes territoriaux importants à l’échelle nationale.
Des migrations qui accentuent les déséquilibres
Les migrations résidentielles des actifs sont très différenciées selon les espaces : au sud d’une diagonale Caen-Lyon, la plupart des zones d’emploi gagnent des actifs, du fait des migrations, alors qu’au nord elles en perdent (elles peuvent toutefois en gagner par accroissement naturel), excepté les zones d’emploi périphériques du Bassin parisien, les zones près de Lille et les zones frontalières de l’Allemagne et de la Suisse. Cette configuration spatiale fait directement écho à celle de la croissance de l’emploi dans les territoires, qui est en partie liée aux dynamiques démographiques (voir chapitre 1A). À l’instar des disparités en matière de croissance de l’emploi, les migrations résidentielles des actifs semblent répondre à des logiques spatiales davantage liées aux macro-régions attractives, au premier chef desquelles l’Ouest et le Sud-Ouest, qu’à une attractivité métropolitaine. Ainsi, parmi les zones d’emploi métropolitaines, certaines sont très attractives (Toulouse, Bordeaux, Nantes, etc.) tandis que d’autres sont déficitaires en termes de migrations d’actifs français (Paris, Lyon, Lille, Strasbourg, etc.).
Tout comme la croissance de l’emploi, le solde migratoire n’est pas corrélé à la taille économique (i.e. le nombre d’emplois) des zones d’emploi. Cela s’explique par le fait que les raisons pouvant motiver une migration résidentielle sont multiples, mêlant trajectoire professionnelle, motifs familiaux et choix résidentiels. D’ailleurs, dans les régions de l’Ouest et du Sud, plus de 90 % des arrivées d’actifs occupés s’accompagnent d’un nouvel emploi dans la région d’arrivée (motif professionnel). Cependant, la structure économique de ces régions n’est pas toujours favorable, et les nouveaux arrivants profitent rarement d’une promotion sociale. De plus, une particularité forte de ces régions est l’importance des personnes en emploi devenues chômeurs pendant la période au cours de laquelle elles ont migré (souvent dans le cadre de couples biactifs) : cela témoigne d’une attractivité plus résidentielle que professionnelle. Dans d’autres espaces, telles les régions du Nord et de l’Est, déménager vers des zones dynamiques peut, pour certains actifs, constituer une réponse aux difficultés demande entraîne la fermeture de services et de commerces, rendant le cadre de vie moins attractif pour les ménages, et l’environnement moins propice au maintien ou à la création d’une activité économique. Les migrations résidentielles des actifs apparaissent donc comme un défi central en matière d’évolution des disparités et des équilibres territoriaux, et le maintien des services dans tous les territoires comme un enjeu fort.
Les zones les plus attractives sont aussi les plus répulsives
Si elle permet de faire apparaître d’importants contrastes spatiaux, la représentation du solde des migrations résidentielles dans chaque zone d’emploi peut néanmoins être trompeuse. En effet, elle informe sur l’équilibre ou le déséquilibre entre les arrivées et les départs d’actifs, mais pas sur le volume de ceux-ci. Or, les zones d’emploi qui attirent un grand nombre d’actifs sont aussi celles d’où de nombreux actifs partent, et inversement. La corrélation entre le nombre d’actifs sortants de chaque zone d’emploi et le nombre d’entrants est fortement positive et significative. Ainsi, le départ d’actifs n’est pas un problème en soi pour les territoires, s’il est compensé par de nombreuses arrivées. L’approche par les flux donne une deuxième grille de lecture des dynamiques territoriales, indépendante du solde migratoire : elle distingue les zones d’emploi à fort brassage de population (beaucoup d’arrivées et beaucoup de départs) de celles où la stabilité de la population active est plus forte (peu d’arrivées et peu de départs). Or, le degré de mobilité des actifs dépend fortement de leurs caractéristiques socioprofessionnelles.