Si l’observation de la dissociation spatiale entre les actifs occupés et les emplois qui leur correspondent permet d’analyser l’éloignement au lieu de travail, centrer les réflexions sur les actifs en emploi ne permet toutefois pas de poser la question de l’inadéquation emplois/actifs comme facteur explicatif du chômage.
Cette problématique est en effet fort complexe, et nécessite d’élaborer des modèles économétriques permettant d’évaluer dans quelle mesure l’éloignement d’un chômeur à l’emploi qui lui correspondrait influence sa probabilité de sortie du chômage, en tenant compte de divers autres facteurs explicatifs.
Ce type d’analyse7 a notamment conduit à montrer que l’inadéquation spatiale entre les actifs et les emplois qui leur correspondent n’agit pas de la même façon sur le chômage dans les zones d’emploi du nord du pays et dans celles du sud, qui ont pourtant des taux de chômage comparables (voir chapitre 1B). Dans les zones d’emploi du nord de la France, qui se caractérisent par une forte proportion d’actifs sans diplôme (que l’on considère l’ensemble de la population active ou seulement les chômeurs), l’indicateur d’inadéquation entre offre et demande de travail était plutôt faible en 2008 (date de l’étude).
Les qualifications requises pour les emplois nouvellement créés n’y semblaient alors pas très différentes de celles des emplois détruits. C’est plutôt l’insuffisance du nombre de créations par rapport au nombre de destruction qui était jugée préjudiciable, et se traduisait par un fort taux de chômage, particulièrement des ouvriers et des employés, en dépit des mouvements migratoires qui contribuent à faire baisser la population active (voir chapitre 2C). Il serait intéressant de renouveler ce type d’analyse sur la période post-2008, qui a conduit à une destruction massive des postes peu qualifiés. À l’inverse, dans les zones d’emploi du sud du pays, la part des sans diplôme parmi les chômeurs était généralement inférieure à la moyenne nationale en 2008. Toutefois, on y observait une mauvaise adéquation entre offre et demande de travail, qui pourrait, avec l’afflux migratoire important (voir chapitre 1B), expliquer en partie le fort taux de chômage qui caractérise ces territoires.
26,7 % de chômeurs dans les quartiers prioritaires
Outre ces études à l’échelle régionale, un autre volet d’analyse porte sur les différentiels de taux de chômage à l’intérieur des espaces urbains. En effet, c’est au sein des grandes villes, où le marché du travail est pourtant réputé plus favorable (la densité et la diversité des profils et des postes permettent un bon appariement, les salaires sont plus élevés, etc.), que se concentrent les différentiels de chômage les plus importants8.
Ainsi, les quartiers prioritaires de la politique de la Ville cumulent un taux de chômage élevé (26,7 %, contre 9,9 % dans les unités urbaines environnantes) et une inactivité plus importante (taux d’activité à 59,8 %, contre 71,9 % dans les unités urbaines environnantes).
En conséquence, le taux d’emploi y est très bas (43,8 % chez les 15-64 ans, contre 64,8 % dans les unités urbaines environnantes). Ce différentiel important pourrait trouver une partie de son explication dans l’inadéquation des profils des résidents des quartiers avec les offres d’emploi situées dans les zones urbaines environnantes.