Le marché du travail se définit par la rencontre des entreprises qui recherchent de la main-d’œuvre, et des travailleurs qui recherchent un emploi. Dans la théorie néoclassique, ces échanges suivent les règles de l’offre et de la demande, qui sont matérialisées pour les entreprises par le coût et la productivité du salarié, et pour les travailleurs par le salaire perçu et l’effort consenti. Le travail est alors abordé comme un objet d’échange ordinaire, pour lequel on suppose des propriétés d’homogénéité (n’importe quel actif peut occuper n’importe quel poste), de mobilité (entreprises et actifs n’ont aucune contrainte pour se déplacer) et de transparence (chaque acteur de ce marché dispose des mêmes informations).
Le marché du travail est en réalité plus complexe, et la théorie économique a rapidement remis en cause les hypothèses néoclassiques. La critique tient essentiellement dans le constat de l’hétérogénéité de la force de travail. En effet, tous les travailleurs n’ont pas les mêmes qualifications, ni les mêmes capacités de mobilité ou d’accès à l’information : ils se différencient par leur spécialisation, par leur degré d’autonomie et par leur localisation géographique. Ainsi, le marché du travail est caractérisé par de multiples segmentations et cloisonnements spatiaux, qui définissent ce que l’on appellera dans ce chapitre des marchés locaux du travail. Ils couvrent des périmètres de taille très inférieure au marché national, dans lesquels travailleurs et entreprises interagissent. Toutefois, ces marchés locaux sont des entités difficiles à appréhender dans l’espace : leur taille varie en fonction du profil des travailleurs (les cadres ont des aires de prospection plus étendues que les ouvriers, par exemple) et de l’activité des entreprises (leur bassin de recrutement peut aller de l’échelle locale à l’international). Il est donc difficile d’en dessiner un périmètre fixe, étant donné l’existence d’aires de marché différentes et emboîtées.
Délimiter les marchés locaux du travail
Toutefois, tant les entreprises que les acteurs publics ont besoin de cerner ce territoire et les interactions qui s’y jouent : les premiers pour définir un bassin de recrutement, et les seconds pour concevoir des politiques publiques de l’emploi adaptées. La notion de bassin d’emploi, souvent présentée comme l’aire d’influence d’un pôle d’emploi, est le zonage le plus fréquemment utilisé dans le langage courant. Ce dernier n’a cependant pas de définition clairement établie, ni de méthodologie canonique de détermination : une telle approche laisse place à une grande hétérogénéité d’interprétations. Si, à l’échelle locale, le bassin d’emploi peut constituer un cadre d’action pour les acteurs locaux des politiques publiques, il ne peut être utilisé de manière systématique pour étudier l’emploi dans les territoires au niveau national.
À cette échelle, le zonage qui fait référence est celui de la zone d’emploi, élaborée à partir des déplacements quotidiens des travailleurs vers leur lieu de travail, qui matérialisent la rencontre entre main-d’œuvre et employeurs. La synthèse de ces flux d’actifs permet de définir un marché local « moyen », résumant les pratiques de l’ensemble des travailleurs d’un territoire (voir encadré ci-après).