Pour expliquer la situation favorable des grandes agglomérations en termes de croissance de l’emploi, deux thèses principales existent. La première fait référence à un « effet taille » : c’est parce que certaines villes atteignent une taille critique suffisante pour réduire les coûts de transaction et accroître les rendements (économies d’échelle, accessibilité aux réseaux) qu’elles ont un avantage sur les autres territoires. Il faudrait donc encourager la métropolisation18 pour soutenir la croissance de l’emploi. La seconde met en doute l’existence de ce lien de causalité entre métropolisation et croissance économique, arguant qu’il n’existe pas de corrélation entre la taille des espaces et leurs performances économiques. Il faudrait alors plutôt expliquer la croissance de l’emploi dans les territoires par des effets de spécialisation, d’inertie ou d’appartenance macro-régionale. Il importe donc de s’intéresser plus en détail à la croissance de l’emploi dans les très grandes agglomérations.
La catégorie des « grandes aires urbaines » est vaste : elle englobe tous les pôles ayant plus de 10 000 emplois (3 257 communes en 2014) et leur couronne périurbaine. Paris ou Lyon y figurent au même titre que Lisieux, Marmande et Pontarlier. Elle ne permet donc pas d’observer spécifiquement les dynamiques des très grandes agglomérations : pour cela, il faut répartir l’ensemble des aires urbaines par tranches de taille. L’analyse montre que ce sont effectivement les très grandes aires urbaines (plus de 500 000 habitants) qui ont connu la croissance de l’emploi la plus élevée depuis 1975, avec 1 % de croissance annuelle moyenne. Paris, qui occupe une catégorie à elle seule, a connu une croissance relative moins importante : 0,5 % de croissance annuelle moyenne de l’emploi entre 1975 et 2012, ce qui représente tout de même un gain de plus de 1 million d’emplois entre 1975 et 2012.
Depuis 1975, hormis sur la période 2007-2012, l’emploi a crû dans toutes les tranches de taille d’aires urbaines, avec des taux de croissance annuels moyens autour de 0,5 % par an sauf pour les très grandes aires urbaines (hors Paris, cf. supra) où la croissance moyenne annuelle de l’emploi est de 1 %. Les espaces situés hors des aires urbaines (représentant 16 % de la population en 2012) ont à l’inverse vu leur stock d’emplois diminuer fortement jusqu’en 1990, puis stagner la décennie suivante et augmenter lentement depuis les années 2000.
Ces analyses semblent à première vue conforter la thèse de la métropolisation, les agglomérations au sommet de la hiérarchie urbaine connaissant, en moyenne, une dynamique plus favorable sur la longue période.
Toutefois, au sein de la classe qui a globalement connu la croissance la plus dynamique, les situations des villes sont très hétérogènes : la croissance économique a, en réalité, été entraînée par quelques agglomérations de l’Ouest et du Sud (Montpellier, Toulouse, Rennes, Nantes, Bordeaux), alors que d’autres, parmi ces très grandes aires urbaines, ont, au contraire, connu une croissance plus faible que le score national de + 0,57 % (Saint-Étienne, Rouen, Douai-Lens et Lille). Par ailleurs, d’autres aires urbaines plus petites ont connu une forte croissance de l’emploi : elles sont presque toutes situées au sud d’une ligne Cherbourg-Lyon.
Ces observations montrent que la taille des aires urbaines n’est pas le seul déterminant de leurs dynamiques en termes d’emploi, et invitent à analyser également le rôle du contexte macrorégional et des effets de spécialisation économique dans des secteurs porteurs.